Aperçu du système français de crédits d’impôt pour la production cinématographique et audiovisuelle

29 février 2016

Le crédit d’impôt cinéma et audiovisuel a subi des modifications substantielles à compter de janvier 2016, pour répondre aux inquiétudes des acteurs du secteur, craignant une délocalisation massive des tournages.

Nous reprenons ci-après les principales caractéristiques de ce mécanisme d’incitation fiscale, désormais très compétitif.

  1. Contexte de la réforme 

La France dispose, pour les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel, de deux mécanismes de crédit d’impôt alternatifs : le premier, pour la production déléguée nationale, ou « crédit d’impôt national »[1], et le second, de date plus récente[2], pour la production exécutive de films d’initiative étrangère (hors documentaires) – aussi connu sous le nom de « crédit d’impôt international » ou C2I.

Depuis 2013, le crédit d’impôt national s’élevait à 20% du montant total des dépenses éligibles effectuées en France, avec un plafond de 4 millions d’euros pour un film cinématographique et un plafond compris entre 1.150 euros et 5.000 euros par minute pour une production audiovisuelle. A partir de mars 2015, les productions cinématographiques à budget réduit (moins de 4 millions d’euros) ont pu bénéficier d’un taux préférentiel à 30%.

Quant à lui, le crédit d’impôt international était, depuis 2013, égal à 20% du montant des dépenses éligibles pour des opérations ou prestations effectuées en France, avec un plafond de 10 millions d’euros (augmenté à 20 millions d’euros pour l’année 2015).

Une étude des mécanismes de crédit d’impôt dans sept pays en Europe et au Canada réalisée pour le compte du CNC[3] à la fin de l’année 2014[4] montrait la faible attractivité du crédit d’impôt national français, notamment du fait du taux peu convaincant de 20% et du plafond très restrictif en valeur absolue de 4 millions d’euros pour la production cinématographique, ou encore, à cause de ses exigences relatives à l’emploi de la langue française et de son absence d’ouverture aux capitaux étrangers.

Sur le plan strictement financier, en 2013, le crédit d’impôt français représentait seulement 7,9 % du coût de production des films d’initiative française agréés, un pourcentage faible comparé aux poids de certains mécanismes étrangers : 12,2 % du budget de production pour le mécanisme allemand, 18,9 % pour le « tax shelter » belge, ou encore 27 % pour les crédits d’impôt fédéraux et provinciaux au Canada.

Une reforme substantielle pour des résultats durables apparaissait donc comme fort nécessaire, d’autant plus que certains mécanismes étrangers concurrents ont continué de gagner en attractivité au cours de l’année 2015 (e.g la Grande Bretagne, où le taux de crédit d’impôt a été poussé jusqu’à 25% des dépenses de production éligibles, sans distinction du budget de production, l’Irlande, où il atteint jusqu’à 32% avec un cap en valeur absolue de 16 millions d’euros, qui montera vraisemblablement à 22,4 millions d’euros à partir de 2016, ou la Belgique, où le tax shelter a été réformé et assoupli).

Grâce à la reforme de 2016, le nombre de tournages sur le territoire français devrait connaître une hausse significative. La bonne nouvelle devrait à la fois réenchanter les productions françaises et les coproductions internationales officielles qui risquaient de choisir des locations moins chères à l’étranger (quitte à voir baisser le taux du soutien financier de l’œuvre), et attirer les productions étrangères, qui bénéficient désormais de services de production exécutive à des prix très compétitifs en Europe. Parmi les productions étrangères confirmées, Variety[5] cite notamment « Dunkirk » de Christopher Nolan et la série « Riviera » de Neil Jordan, dont l’action se passe en France, mais qui devaient initialement être tournées ailleurs pour des raisons financières.

Si un regret persiste parmi les producteurs, c’est celui de ne pas voir les avantages croissants accordés à la production cinématographique et audiovisuelle rayonner sur la création originale à caractère publicitaire. Celle-ci ne bénéficie toujours pas d’incitations fiscales, malgré le partage de certaines contraintes budgétaires avec le secteur du cinéma (notamment l’application controversée de la convention collective « production cinématographique ») et la forte délocalisation des tournages à l’étranger. Une intervention de la part des autorités semble peu probable à court terme.

  1. Le crédit d’impôt national

Ce mécanisme est destiné à favoriser la production d’œuvres françaises et de coproductions internationales avec la France. Les apports principaux de la reforme sont l’admission dans une plus grande mesure des productions en langue étrangère et l’augmentation du taux et du plafond en valeur absolue du crédit d’impôt. Le mécanisme reste inaccessible aux capitaux non-européens, qui peuvent en revanche profiter du crédit d’impôt international à un taux très intéressant. 

  • Pour quelles œuvres ?

Le crédit d’impôt national peut être demandé pour tout long métrage cinématographique et toute œuvre audiovisuelle, appartenant aux genres de la fiction, de l’animation ou du documentaire (hors programmes de flux et hors œuvres publicitaires, à caractère pornographique, ou incitant à la violence), qui remplissent un certain nombre de conditions.

Le critère de l’emploi prédominant de la langue française ou d’une langue régionale en usage en France demeure, mais son impact a été substantiellement diminué pour les œuvres cinématographiques.

Peuvent désormais prétendre au crédit d’impôt, quelle que soit la langue de tournage :

  • les œuvres cinématographiques d’animation,
  • les fictions cinématographiques comportant a minima 15% de plans, soit en moyenne un plan et demi par minute, d’effets spéciaux (ces œuvres sont ainsi assimilées à des œuvres d’animation[6]), ainsi que, toujours,
  • les fictions audiovisuelles produites dans le cadre d’une coproduction internationale dont le coût de production de minimum 35 000 euros par minute est couvert au moins à hauteur de 30% par des financements étrangers, à condition de livrer également une version en langue française.

En dehors de ces exceptions, il est toujours possible de réaliser des œuvres cinématographiques dans une langue étrangère qui serait justifiée par le choix du scénario, mais le choix de la langue aura un impact sur le taux du crédit d’impôt, comme nous le verrons ci-après.

L’œuvre doit en outre être admise au soutien automatique à la production cinématographique et respectivement audiovisuelle, contribuer au développement et à la diversité de la création française et européenne, et être réalisée principalement sur le territoire français (hors exceptions admises pour des considérants artistiques). La dernière condition est considérée satisfaite si, en fonction de ses caractéristiques artistiques et techniques, l’œuvre totalise au moins la moitié des points sur le barème du soutien financier correspondant à son genre (fiction, documentaire, animation 2D et animation 3D) établi aux articles 211-9 et suivants du règlement général des aides du CNC[7]. Implicitement, l’œuvre doit également respecter la proportion minimale d’éléments artistiques et techniques fixée par l’arrêté du 21 mai 1992 pour les « œuvres européennes » – seules éligibles au soutien automatique.

Les œuvres audiovisuelles doivent en outre satisfaire des exigences de durée (45 minutes pour la fiction, 24 minutes pour les œuvres documentaires et d’animation) et de coût de production. Par ailleurs, pour bénéficier du crédit d’impôt, les documentaires audiovisuels doivent faire état de dépenses éligibles de minimum 2 000 euros par minute produite.

  • Qui reçoit le crédit d’impôt ?

 Qu’il s’agisse d’une production française ou d’une coproduction franco-étrangère, le crédit d’impôt national profite au(x) producteur(s) délégué(s) soumis à l’impôt sur les sociétés en France[8]. Le producteur délégué est l’entreprise qui prend l’initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation de l’œuvre et en garantit la bonne fin. En France, cette qualité est reconnue à maximum 2 producteurs agissant conjointement pour une œuvre donnée.

Le producteur délégué peut bénéficier du crédit d’impôt uniquement s’il respecte la législation sociale française. Le risque principal ici le représente le recours parfois très contestable aux contrats à durée déterminée d’usage, très répandus dans les secteurs du cinéma et de l’audiovisuel et qui, en cas de requalification en contrats à durée indéterminée par une juridiction sociale, peuvent faire perdre au producteur le bénéfice du crédit d’impôt précédemment acquis pour une, voire plusieurs productions.

  • Pour quelles dépenses ?

Sont concernées les dépenses suivantes engagées en France pour la réalisation et la production de l’œuvre :

  • les rémunérations des coauteurs et, pour la part égale aux minimas sociaux applicables, celles des artistes-interprètes et des artistes de complément,
  • les salaires versés au personnel de la réalisation et de la production,
  • les charges sociales obligatoires afférentes aux rémunérations et salaires précédents.

A noter que sont seulement éligibles les rémunérations, salaires et charges sociales profitant aux personnes de nationalité française ou résidentes en France et aux ressortissants européens ou assimilés[9]. Il faut savoir par ailleurs que, pour qu’une œuvre cinématographique puisse bénéficier d’un investissement au titre du soutien automatique (et, partant, du crédit d’impôt national), les rémunérations hors charges sociales payables aux coauteurs, aux artistes interprètes principaux et aux producteurs personnes physiques au moment de la mise en production de l’œuvre sont plafonnés en fonction du coût de production de l’œuvre. Cette mesure qui date de 2015 fait suite à un scandale médiatique critiquant les rémunérations excessives perçues par des stars pour des productions déficitaires ou à faible succès. Elle est destinée à encourager dans une plus grande mesure la mise en participation de leurs rémunérations.

  • les dépenses liées au recours aux industries techniques et aux autres prestataires de la création cinématographique et audiovisuelle,
  • les dépenses de transport, de restauration et, dans certaines limites, les dépenses d’hébergement,
  • les dépenses d’amortissement, et
  • pour les documentaires audiovisuels uniquement, certaines dépenses d’acquisition de droits d’exploitation d’images d’archives.

Ces dépenses doivent avoir été engagées directement par le producteur délégué, ou par un producteur exécutif pour le compte du producteur délégué, et refacturées à ce dernier au coût de revient.

Le coût des ressources internes de la structure de production affectées à la production de l’œuvre (par exemple, les salaires des techniciens permanents) peut être pris en compte, dans certaines conditions, dans la base de calcul du crédit d’impôt.

En tout état de cause, sont prises en compte seulement les dépenses encourues après la date de réception par le président du CNC de la demande d’agrément à titre provisoire visée ci-après et, à titre exceptionnel, les éventuelles avances à valoir sur recettes payées aux auteurs de l’œuvre avant cette date, mais pendant le même exercice fiscal.

L’assiette des dépenses éligibles est diminuée du montant (au prorata) des subventions publiques non remboursables reçues par le producteur délégué et directement affectées à ces dépenses.

  • Quel montant ?

Le montant du crédit d’impôt est obtenu en multipliant l’assiette des dépenses éligibles (dans la limite de

80% du budget total de production ou de la quote-part du producteur français), par un taux qui varie en fonction du genre et de la langue principale de l’œuvre concernée, quel que soit son budget :

  • Pour les œuvres cinématographiques, ce taux est égal à 30% de l’assiette des dépenses éligibles pour les œuvres d’animation (et de fiction assimilées), quelle que soit leur langue de tournage, ainsi que pour les œuvres documentaires et de fiction réalisées intégralement ou principalement en langue française ou dans une langue de circulation régionale en France, et de 20% de l’assiette des dépenses éligibles pour les autres.
  • Pour les œuvres audiovisuelles, il est égal à 25% de l’assiette des dépenses éligibles pour les œuvres de fiction et d’animation, et de 20% pour les documentaires.

Le montant ainsi obtenu est soumis à un plafond en valeur absolue qui est, depuis janvier 2016, de 30 millions d’euros pour une œuvre cinématographique (contre 4 millions auparavant). Pour les œuvres audiovisuelles, le plafond est exprimé par rapport à la minute produite et livrée (1 150 euros pour les œuvres documentaires, 3 000 euros pour les films d’animation, et de 1 250 à 4 000 euros pour les fictions).

Enfin, une limitation supplémentaire résulte du plafonnement global, au sein de l’Union Européenne, des aides publiques pouvant être reçues par une œuvre cinématographique ou audiovisuelle, qui est équivalent à 50% du budget de production. Si la somme des crédits d’impôt obtenus pour une œuvre, ajoutée aux autres aides, excède ce plafond, le CNC procède à la diminution correspondante du soutien financier accordé à l’œuvre.

  • Quand réclamer, obtenir, utiliser le crédit d’impôt ?

Pour bénéficier du crédit d’impôt, le producteur délégué doit d’abord adresser une demande d’agrément à titre provisoire au président du CNC avant le début des prises de vue, en précisant le titre de l’œuvre, les noms des auteurs et du réalisateur et la date prévisionnelle du début du tournage. La demande doit être accompagnée d’un début de dossier avec les contrats des auteurs, un devis estimatif et un plan de financement prévisionnel. Si le projet, tel que décrit, remplit les conditions applicables, l’agrément est délivré dans les 6 mois suivant la réception de la demande.

Le crédit d’impôt sera uniquement acquis si un deuxième agrément, définitif (accordé sur la base des dépenses réelles engagées), est délivré par le président du CNC dans les huit mois suivant la délivrance du visa d’exploitation de l’œuvre cinématographique ou, selon le cas, dans les huit mois suivant l’achèvement de l’œuvre audiovisuelle.

Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par le producteur délégué au titre du ou des exercice(s) au cours duquel(desquels) ont été encourues les dépenses éligibles.

L’imputation effective a lieu à la date de liquidation de l’impôt mais, grâce à l’agrément à titre provisoire, le producteur pourra escompter auprès d’un établissement financier l’excédent de crédit d’impôt qu’il compte obtenir, qui constitue une créance sur l’Etat.

Dans ce cas, après constatation de l’excèdent, son montant sera versé par l’administration fiscale directement à l’établissement financier. S’il n’a pas fait l’objet d’une cession, il sera restitué au producteur.

A l’inverse, si l’œuvre n’obtient pas l’agrément provisoire et ensuite l’agrément définitif pour le crédit d’impôt dans les délais mentionnés ci-dessus, ou si elle n’est pas terminée (à savoir, elle n’obtient pas le visa d’exploitation, pour les œuvres cinématographiques, et respectivement, le « prêt à diffuser » pour les œuvres audiovisuelles) dans les deux ans suivant la clôture de l’exercice au titre duquel le crédit d’impôt a été obtenu, le producteur délégué devra rembourser le crédit d’impôt (y compris tout excédent) indûment perçu. De manière similaire, si le taux du crédit d’impôt finalement applicable est inférieur à celui initialement estimé dans l’agrément à titre provisoire, le producteur devra rembourser le trop perçu.

  • Comparaison rapide avec d’autres pays européens :

Les tableaux suivants présentent les chiffres clés en France et dans 3 autres pays européens.

Ces chiffres devront être pondérés en fonction de chaque projet du fait des différences substantielles de fonctionnement d’un mécanisme d’incitation fiscale à un autre.

Par exemple, certains pays réservent le bénéfice du crédit d’impôt aux producteurs déléguées détenus majoritairement par des capitaux européens, d’autres l’ouvrent aux entreprises de production exécutive et/ou aux capitaux étrangers. Dans certains pays la base de calcul du crédit d’impôt est plus large que dans d’autres, que ce soit du fait de la variété des dépenses, de la nationalité ou du niveau de rémunération des bénéficiaires, ou de l’absence de prise en compte des subventions publiques.

CI Cinéma France Allemagne  Grande Bretagne Irlande
Taux de crédit maximum 30% 20%  25% 32%
Montant maximum des crédits pour une œuvre 30M€ 4M€, dérogations possibles jusqu’à 10M€  Pas de limite 16M€ (22,4M€ à partir de 2016 sous réserve d’approbation par l’UE)
Plafond des aides publiques 50% du budget de production ;

60% pour les œuvres difficiles (1er et 2ème film d’un réalisateur) ;

60% pour les œuvres à faible budget (films à budget max. de 1,25M€)

50% du budget de production ;

80% pour les œuvres difficiles (expérimentales ou à risque) ;

80% pour les œuvres à faible budget (montant déterminé annuellement)

 50% du budget de  production ;

dérogations possibles  pour les œuvres  difficiles ;

dérogations possibles  pour les œuvres à  faible  budget

50% du budget de production ; dérogations spécifiques possibles pour les œuvres difficiles (films de haute qualité, avec un potentiel très réduit de financement et de commercialisation) ;

dérogations possibles pour les œuvres à faible budget (< 3M€)

Montant minimum des dépenses engagées localement 25% du budget de production (budget jusqu’à 20M€) ;

20% du budget de production (budget supérieur à 20M€) ;

15M€ ou plus pour les budgets de plus de 75M€

 10% du budget 125K€ (le budget de production doit être de minimum 250K€)
Plafond des dépenses éligibles 80% du budget (ou de la part française) 80% du budget

(la participation allemande doit être de minimum 20% du budget ou de 5 M€)

 80% du budget 80% du budget (ou 50 M€ si inférieur / 70M€ à partir de 2016 sous réserve d’approbation par l’UE)
Ouverture aux capitaux étrangers Non Oui  Oui Oui
CI Audiovisuel France Allemagne  Grande Bretagne Irlande
Taux de crédit maximum 25% Pas de crédit d’impôt audiovisuel  25% 32%
Montant maximum des crédits pour une œuvre Barème en fonction du coût de la minute produite  Pas de limite 16M€ (22,4M€ à partir de 2016 sous réserve d’approbation par l’UE)
Plafond des aides publiques 50% du budget de production

60% pour œuvres difficiles et à faible budget (œuvre à caractère innovant, peu accessible ou délicat, et œuvres dont le budget est de maximum 100K€ par heure)

 50% du budget de  production ;

dérogations possibles  pour les œuvres  difficiles ;

dérogations possibles  pour les œuvres à  faible budget

50% du budget de production ;

dérogations spécifiques possibles pour les œuvres difficiles (films de haute qualité, avec un potentiel très réduit de financement et de commercialisation) ;

dérogations possibles pour les œuvres à faible budget (<3M€)

Montant minimum des dépenses engagées localement Pour les documentaires audiovisuels, minimum 2 000€ par minute produite.  10% du budget 125K€ (le budget de production doit être de minimum 250K€)
Plafond des dépenses 80% du budget (ou de la part française)  80% du budget 80% du budget (ou 50 M€ si inférieur / 70M€ à partir de 2016 sous réserve d’approbation par l’UE)
Ouverture aux capitaux étrangers Non  Oui Oui
  1. Le crédit d’impôt international

L’objectif de ce mécanisme est d’attirer les tournages d’œuvres d’initiative étrangère sur le territoire français afin de valoriser les compétences et les ressources locales.

Il convient de noter que le système n’est par pour autant fermé aux producteurs français dans la mesure où ceux-ci peuvent, dans le cadre d’une coproduction internationale, décider d’assumer uniquement un rôle de producteur exécutif, en renonçant au crédit d’impôt national et au soutien automatique.

Avec une augmentation de 10% du taux de ce crédit d’impôt et de 10 millions d’euros de son plafond en valeur absolue, la France occupe désormais une position privilégiée au classement européen.

  • Pour quelles œuvres ?

Peuvent bénéficier du crédit d’impôt international les œuvres cinématographiques et audiovisuelles de fiction et d’animation (hors œuvres publicitaires, à caractère pornographique, ou incitant à la violence), dont la production déléguée est assurée par des entreprises établies hors de France et la fabrication a lieu exclusivement ou partiellement en France, sous réserve de remplir certaines conditions.

Premièrement, ces œuvres doivent comporter des éléments rattachés à la culture, au patrimoine ou au territoire français. Cette condition est validée au moyen d’un barème de points récompensant notamment le contenu dramatique (lieux de tournage, sujet, histoire, personnages) français, francophone ou européen, la nationalité française ou européenne des auteurs et collaborateurs, le nombre de jours de tournage en France, ou les achats auprès de prestataires techniques établis en France. Il existe un barème pour les œuvres de fiction et un barème pour les œuvres d’animation (également applicable à certaines œuvres de fiction comportant au moins 15% des plans d’effets spéciaux).

Deuxièmement, les œuvres ne doivent pas être admises au bénéfice des aides financières à la production accordées par le CNC, ce qui exclut les coproductions avec la France. Les producteurs exécutifs peuvent en revanche recevoir d’autres types de subventions, notamment des aides régionales.

A noter que le générique des œuvres bénéficiant du crédit d’impôt international doit intégrer une mention spécifique en ce sens.

  • Qui reçoit le crédit d’impôt ?

Le crédit profite au producteur exécutif de l’œuvre d’initiative étrangère soumis à l’impôt sur les sociétés en France.

Le producteur exécutif est l’entreprise qui réunit les moyens techniques et artistiques pour la réalisation de l’œuvre et assure la gestion des opérations matérielles de fabrication de l’œuvre et veille à leur bonne exécution. Il peut s’agir aussi bien d’une société de services de production exécutive indépendante déjà implantée, que d’une société à vocation particulière (« SPV ») créée spécialement pour la production de l’œuvre, ou encore d’une filiale en France du producteur étranger.

Pour recevoir le crédit d’impôt, le producteur exécutif doit respecter la législation sociale française (mêmes remarques que pour le crédit d’impôt national).

  • Pour quelles dépenses ?

Il convient d’abord de noter que la production devra engager un minimum de 1 million d’euros de dépenses en France (ou 50% du budget total, pour les œuvres produites pour moins de 2 millions d’euros). Les fictions devront en outre compter minimum 5 jours de tournage en France.

Le crédit d’impôt est calculé sur la base des dépenses appartenant aux catégories suivantes, correspondant à des opérations ou prestations effectuées en France par le producteur exécutif, dans la limite de 80% du budget de production de l’œuvre :

  • les rémunérations payées aux coauteurs sous forme d’avances à valoir sur les recettes d’exploitation de l’œuvre et, pour leur part égale aux minimas sociaux applicables, les rémunérations payées aux artistes-interprètes et aux artistes de complément,
  • les salaires versés au personnel de la réalisation et de la production (y compris ceux employés à titre permanent par le producteur exécutif, pour la part de leur travail affectée à la production de l’œuvre),
  • les charges sociales obligatoires afférentes aux rémunérations et salaires précédents.

A noter que sont seulement éligibles les rémunérations, salaires et charges sociales profitant aux personnes de nationalité française ou résidentes en France et aux ressortissants européens ou assimilés[10].

  • les dépenses liées au recours aux industries techniques et aux autres prestataires de la création cinématographique et audiovisuelle,
  • les dépenses de transport, de restauration et, dans certaines limites, les dépenses d’hébergement, et
  • les dépenses d’amortissement.

Seront prises en compte uniquement les dépenses encourues après la date de réception par le président du CNC de la demande d’agrément à titre provisoire visée ci-après et, à titre exceptionnel, les éventuelles avances à valoir sur recettes payées aux coauteurs avant cette date mais au cours du même exercice fiscal.

Les subventions et aides publiques reçues par le producteur exécutif à raison des opération de production ouvrant droit au crédit d’impôt, aussi bien celles remboursables que celles non remboursables, doivent être déduites de la base de calcul du crédit d’impôt (à savoir, de l’assiette des dépenses éligibles). Cette déduction devrait être logiquement opérée au prorata, selon l’exemple donné par l’administration fiscale dans ses instructions relatives au crédit d’impôt national. L’instruction fiscale actuelle en matière de crédit d’impôt international présente une illustration qui est, à notre sens, incorrecte, parce qu’elle opère une confusion entre la base de calcul du crédit d’impôt, qui est la somme des dépenses éligibles, et, d’une part, le coût global de production de l’œuvre, qui devrait uniquement être pris en compte pour calculer le plafonnement de 80% mentionné plus haut.

  • Quel montant ?

 Depuis janvier 2016, le crédit d’impôt international est égal à 30% des dépenses visées ci-dessus et son montant total est plafonné à 30 millions d’euros par œuvre (contre 20 millions auparavant).

Son octroi ne doit pas avoir pour effet de dépasser le plafond européen des aides publiques reçues par l’œuvre, soit 50% du budget de production.

  • Quand réclamer, obtenir, utiliser le crédit d’impôt ?

La procédure est similaire à celle prévue pour le crédit d’impôt national, avec la délivrance par le président du CNC d’un agrément en deux temps.

La demande d’agrément à titre provisoire doit être accompagnée d’un nombre de documents, parmi lesquels un devis détaillé montrant les dépenses prévues en France et le contrat ou le deal memo conclu avec le producteur étranger. Si elle satisfait les conditions requises, l’agrément à titre provisoire est accordé à la suite d’une analyse effectuée par Film France.

Le crédit d’impôt sera uniquement acquis si l’agrément définitif (accordé sur la base des dépenses réelles engagées et sous réserve de la certification des comptes par un commissaire aux comptes) est délivré dans les vingt-quatre mois suivant la date des derniers travaux exécutés en France.

Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par le producteur exécutif au titre du ou des exercice(s) au cours duquel(desquels) ont été encourues les dépenses éligibles.

L’imputation effective a lieu à la date de liquidation de l’impôt mais, grâce à l’agrément à titre provisoire, le producteur pourra escompter auprès d’un établissement financier l’excédent de crédit d’impôt qu’il compte obtenir, qui constitue une créance sur l’Etat.

Dans ce cas, après constatation de l’excèdent, son montant sera versé par l’administration fiscale directement à l’établissement financier. S’il n’a pas fait l’objet d’une cession, il sera restitué au producteur.

A l’inverse, si l’œuvre n’obtient pas l’agrément définitif pour le crédit d’impôt dans le délai de 24 mois mentionné ci-dessus, le producteur exécutif devra rembourser le crédit d’impôt (y compris tout excédent) indûment perçu.

  • Comparaison rapide avec d’autres pays européens :

Le tableau suivant présente les chiffres clés du crédit d’impôt international français, comparé aux mécanismes étrangers évoqués plus haut dans la section « Crédit d’impôt national » (et qui, sans être spécifiquement conçus pour les productions étrangères, ne sont pas incompatibles avec celles-ci).

Ici aussi, en raison des différences de fonctionnement d’un mécanisme à l’autre (notamment celles concernant les conditions d’éligibilité des dépenses, comme la nationalité et la rémunération accordée aux bénéficiaires, la prise en compte des subventions publiques), ces chiffres doivent être pondérés.

CI Cinéma / CI Audiovisuel France

 

Allemagne

(CI cinéma uniquement)

 Grande Bretagne Irlande
Taux de crédit maximum 30% 20%  25% 32%
Montant maximum des crédits pour une œuvre 30M€ 4M€, dérogations possibles jusqu’à 10M€  Pas de limite 16M€ (22,4M€ à partir de 2016 sous réserve d’approbation par l’UE)
Plafond des aides publiques 50% du budget de production ; 50% du budget de production ;  50% du budget de  production ; 50% du budget de production ;
Montant minimum des dépenses engagées localement (ou pourcentage du budget) 1M€ (50% du budget pour les productions < 2M€) 25% du budget de production (budget jusqu’à 20M€) ;

20% du budget de production (budget supérieur à 20M€) ;

15M€ ou plus pour les budgets de plus de 75M€

 10% du budget 125K€ (le budget de production doit être de minimum 250K€)
Plafond des dépenses éligibles 80% du budget de production 80% du budget

(la participation allemande au budget doit être de minimum 20% ou de 5 M€)

 80% du budget 80% du budget (ou 50 M€ si inférieur / 70M€ à partir de 2016 sous réserve d’approbation par l’UE)
Ouverture aux capitaux étrangers Oui Oui  Oui Oui

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L’article que vous venez de consulter contient des informations fournies à titre général, valables à la date de leur publication, non-exhaustives et qui ne sauraient remplacer une analyse juridique personnalisée. Pour obtenir des conseils juridiques adaptés à votre projet, veuillez suivre ce lien.

[1] Créé d’abord pour le cinéma par la loi de finances pour 2004 et élargi à l’audiovisuel l’année suivante ; le terme « national » doit être nuancé – note n°8 ci-dessous

[2] Créé par la loi de finances pour 2009

[3] Centre National du Cinéma et de l’Image Animée

[4] Étude comparative des crédits d’impôts en Europe et au Canada disponible ici: http://www.cnc.fr/web/fr/publications/-/ressources/5761847

[5] http://variety.com/2016/film/global/2016-forecast-record-year-foreign-shoots-france-1201693987/

[6] C’est le cas de la production « Valerian » d’EuropaCorp, dont le budget est de 180 millions de dollars, réalisée en langue anglaise, et dont le maintien en France a été l’un des enjeux importants de la reforme

[7] Ce barème figure uniquement dans la section du règlement général relative aux œuvres cinématographiques, mais la formule de l’article D331-5 du Code du cinéma et de l’image animée laisse penser qu’il serait également applicable aux œuvres audiovisuelles.

[8] Des restrictions supplémentaires relatives au siège social (en France ou dans un autre pays membre de l’Union Européenne ou de l’accord sur l’EEE), à la nationalité des dirigeants et au pouvoir de contrôle, ainsi que, pour les œuvres cinématographiques, au capital social minimum, sont imposées pour l’accès de la société au soutien automatique.

[9] Il s’agit plus précisément des ressortissants des états membres de l’Union Européenne, de l’EEE, des états parties à la Convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l’Europe et respectivement à la Convention européenne sur la coproduction cinématographique du Conseil de l’Europe, ainsi que des états tiers avec lesquels l’Union Européenne a conclu un accord ayant trait au secteur de l’audiovisuel (notamment les 15 états des Caraïbes).

[10] Il s’agit plus précisément des ressortissants des états membres de l’Union Européenne, de l’EEE, des états parties à la Convention européenne sur la coproduction cinématographique du Conseil de l’Europe, ainsi que des états tiers avec lesquels l’Union Européenne a conclu un accord ayant trait au secteur de l’audiovisuel (notamment les 15 états des Caraïbes).